Quelle rose choisir pour nos préparations d’herboriste ?
Longtemps oubliées, les roses déploient à nouveau leur parfum dans les chaudrons des herboristes, et ravivent les cœurs qui désirent ardemment les côtoyer dans leur jardin. Alors oui, ramenons de la beauté partout où nous l’avons délaissée, ramenons de la tendresse entre les haies trop taillées et les routes de ciment, ramenons de l’amour dans l’écrin de nos vies !
Beaucoup de personnes me demandent souvent si l’on peut utiliser n’importe quelle rose pour nos préparations médicinales et cosmétiques.
Je vais vous répondre en détails, mais avant tout un peu d’histoire de la rose pour comprendre ces origines et la naissance des diverses variétés que l’on retrouve aujourd’hui.
Histoire de la rose et botanique
La rose est une plante du genre Rosa, de la famille des Rosacées.
Le mot « rose » vient du latin « rosa », « rosae », qui désigne à la fois la fleur et le rosier lui-même. Ce terme est issu du grec ancien « rhodon », qui n’est pas sans rappelé une plante d’Asie, la rodhiola, dont les racines dénotent un léger parfum de rose. Le rodhiola est une espèce malheureusement en voie de disparation, et même protégée dans plusieurs pays depuis peu (on évitera donc d’en consommer pour privilégier nos plantes locales).
A l’origine, on retrouve les rosiers botaniques qui ne sont autres que les rosiers sauvages, dont nous connaissons les églantiers (Rosa canina, Rosa rubiginosa, …). On recense entre 130 et 150 espèces, bien que seule une douzaine d’espèces furent utilisés au départ pour créer la plus part des rosiers cultivés que l’on retrouve à notre époque, résultat de plusieurs millénaires de transformation. On estime à plus de 3 000 le nombre de variétés disponibles. A cela, s’ajoutent différentes variétés de Rosiers sauvages.
Les première roses originelles, comme les Rosa canina, présentent une fleur à 5 pétales et 5 étamines bien visibles. La simplicité de cette corolle aura séduit de nombreux botanistes, qui l’ont rapporté des 4 coins du monde, permettant ainsi au fil des siècles la création de nombreuses variétés, dont nous connaissons aujourd’hui une diversité incroyable : teintes, nuances, tailles, formes, grimpantes, en buisson, avec des périodes de floraison plus ou moins étalées suivant les variétés.
les Grecs et les hébreux appréciaient beaucoup la rose, notamment pour les cérémonies nuptiales. On retrouva également des roses dans des tombeaux égyptiens, laissant imaginer qu’elles y furent déposer pour accompagner les morts.
les Romains quant à eux semblaient passionnés par cette fleur, qu’ils répandaient sur les invités les jours de fête, et qu’ils se mirent à cultiver après en avoir importées d’Egypte et de Perse.
Au XIIIe siècle, au Moyen âge, la rose à Provins était déjà cultivée en France. Elle aurait été rapporté de Jérusalem pour devenir la rose que l’on connait aujourd’hui comme la « rose des apothicaires ». On la cultivait surtout à des fins médicinales, car on attribuait à cette rose le pouvoir de guérir de nombreuses maladies. Bien que Charlemagne encouragea la plantation de rosiers aux abords d’ édifices religieux, la rose était considérée bien plus comme une fleur utilitaire qu’ornementale.
Les hybridations étaient jusque-là spontanées, et au 17e siècle, une mutation de Rosa gallica fit naître la Rosa centifolia, la « roses centfeuilles », dont une mutation également au 18e siècle donna les « rosiers moussus ».
La mode des rosiers du style anglais arriva en France vers la fin du 18e, plaisant beaucoup aux aristocrates, ce qui contribua à la création de variétés de plus en plus nombreuses.
Au début du 19e siècle, on hybrida un très grand nombre de rosiers galliques, de Damas et Centifolia. Puis l’introduction des rosiers de Chine (Rosa chinensis) marqua un tournant : contrairement aux roses de l’époque, ils avaient la capacité de fleurir plusieurs fois par an. Par de nombreux croisements avec ces rosiers de Chine, on créa des centaines de nouveaux hybrides à floraison dite « remontante » , délaissant petit à petit les anciennes variétés à floraison unique.
Vint ensuite la naissance des roses modernes et de nombreuses furent créées entre 1870 et 1914, notamment la célèbre ‘La France’, à l’origine de l’apparition d’une nouvelle famille associant la force des hybrides remontants à la beauté des rosiers thé, ancêtre de la majorité des roses à grandes fleurs modernes. Cette variété marqua un changement important : toutes les variétés de roses qui existaient avant cette date de 1867 seraient officiellement appelées « roses anciennes », tandis que les nouveaux hybrides seraient appelés les « roses modernes », ces derniers regroupant les rosiers « à grandes fleurs », les « floribunda » – à la floraison abondante – et les « rosiers anglais ».
Néanmoins on considère certaines roses « modernes » comme des roses anciennes tant elles en portent de nombreuses caractéristiques.
Les rosiers anglais virent le jour grâce au rosiériste anglais David Austin qui créa les « roses anglaises » en croisant des roses anciennes avec des roses modernes, et relança la mode de l’aspect des roses anciennes, aux allures plus sauvages, aux parfums plus prononcés et aux allures d’antan. Sa première création fut « Constance Spry », un rosier grimpant à la floraison abondante et parfumée.
Les roses en herboristerie
Que cela soit en cuisine ou en cosmétique, il est possible d’utiliser n’importe quelle variété de roses, du moment qu’elles ne soient pas traitées par des produits industriels et chimiques.
L’appréciation du parfum d’une rose est très personnelle, ainsi que le sentiment qu’elle nous procure à son contact par sa couleur, sa forme, le port du rosier, etc. Beaucoup privilégient les variété anciennes pour leur parfum, mais leurs floraisons est souvent assez courtes, donc non remontante. Néanmoins aujourd’hui la créativité des botanistes nous permet de trouver de nouvelles créations de rosiers aux qualités diverses, et des parfums toujours de plus en plus surprenants. Voici néanmoins quelques variétés anciennes que l’on retrouve fréquemment :
✧ LES ROSES GALLIQUES, Rosa gallica, appelées aussi « rose de France » ou « rose de Provins, que l’on considère comme l’ancêtre de toutes les roses européennes.
✧ LES ROSES CENT-FEUILLES, Rosa centifolia, appelée aussi Rose de mai, Rose chou ou Rose de hollande. Sa fleur comporte un grand nombre de pétales et son parfum unique en fait une fleur très appréciée et très prisée dans le monde de la parfumerie et de la cosmétique.
✧ LES ROSES DE DAMAS, Rosa damascena, qui seraient venus du Moyen Orient, et qui sont encore très cultivées aujourd’hui en Bulgarie et au Maroc. Il serait issu d’un croisement entre un Rosa gallica et un Rosa phoenicia ou Rosa moschata. Très parfumées, elle est également très prisée particulièrement pour la production d’essence et d’eau de rose.
✧ LES ROSIERS ALBAS, (alba signifiant « blanc »), Rosa x alba, venus d’Asie Mineure ou Centrale.
✧ LES ROSIERS RUGUEUX, Rosa rugosa, est couramment retrouvé à l’état sauvage. Il présente des fleurs à 5 pétales assez grandes d’un rose vif, parfois fuchsia. IL est très résistant, et n’est pas très exigent, il s’épanouit même sur un sol pauvre et caillouteux ! Certaines variétés sont remontantes et offrent donc plusieurs floraisons, et il drageonne facilement.
✧ LES EGLANTIERS, Rosa canina, est le rosier sauvage le plus commun. Très souvent dans l’ombre des rosiers aux grandes fleurs exubérantes et aux parfums soutenus, les fleurs d’églantier n’en reste pas moins délicates et offrent un parfum subtile à ceux qui pourront s’arrêter quelques instants pour écouter avec le cœur.
Rappelez-vous cependant que pour notre chaudron, toutes les roses peuvent convenir, donc même les rosiers modernes, du moment que le parfum est plaisant et qu’elles n’ont pas été traitées chimiquement !
Propriétés médicinales
De manière générale, toutes les roses sont pourvues de propriétés intéressantes pour resserrer les tissus cutanés et améliorer la micro circulation, et donc prévenir l’apparition des rides et du relâchement de la peau. Ses tanins, qui leurs confèrent une propriété d’astringence, vont également diminuer les pertes abondantes de sang et leucorrhées, et soulagent les gorges enflammées et irritées, ainsi que les affections de la bouche de toutes sortes.
Les tanins de la Rose, qui aident à resserrer les tissus, n’aideraient-ils pas également à resserrer nos liens avec notre entourage, personnes avec qui l’on souhaite communiquer, communier, « comme-unir »…
Selon N. Culpeper, pharmacologue du XVIIe siècle, « en teinture ou en poudre, les pétales de roses rouges séchés soulagent en cas de saignements. Des infusions de rose dans du vin calment les maux de tête, les rages de dents, les douleurs oculaires, auriculaires et gingivales ainsi que les maux de gorge. Elles soignent aussi les douleurs abdominales et utérines ».
Les roses offrirons de belles propriétés régénérantes cutanés et cicatrisantes, notamment les roses de Damas ou les Centifolia par leur teneur en alcools monoterpéniques (nérol, citronnellol et géraniol).
Le citronellol a par ailleurs une action merveilleusement apaisante sur le système nerveux, et le géraniol sera calmant et légèrement sédatif. Une analogie peut être faite ici avec Aphrodite, déesse de l’Amour, puisque son parfum délicat viendra directement affecter l’hypothalamus, produisant un effet stimulant général, neurotonique et légèrement aphrodisiaque, nous amenant directement dans le parasympathique, branche du système nerveux qui gère les fonctions digestives, le sommeil réparateur, et… la libido !
Pour profiter de la rose, il est possible de réaliser diverses préparations, tantôt médicinales, tantôt gustatives. La rose de provins, donc la Rosa Gallica, était traditionnellement très utilisées au Moyen-âge dans de nombreux remèdes, raison pour laquelle elle fut nommée « rose des apothicaires ». Néanmoins je trouve personnellement que les Rosa rugosa sont également très intéressant en cuisine, et de manière général j’utilise toutes la variété en fonction de l’inspiration du moment.
En cosmétique et parfumerie, on utilise par contre plus facilement la rose de Damas ou la Centifolia, qui offrent un parfum inégalable. Malheureusement ce parfum est difficile à saisir, à moins d’avoir la possibilité de la distiller, mais il faut une quantité considérable de rose pour en obtenir un peu d’huile essentielle, ce qui n’est pas à notre portée. Il est par contre déjà plus facile d’en distiller un hydrolat, mais ce n’est pas la distillation la plus simple pour en préserver sa fragrance.
Un macérat dans du miel sera par contre merveilleux pour «capturer» son parfum.
Le macérat huileux, bien que très courant, n’est malheureusement pas le solvant idéal pour profiter du parfum de la rose. Ce n’est pas non plus le meilleur solvant pour profiter de ses propriétés cicatrisantes, régénératrices, etc. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, ces propriétés médicinales sont essentiellement dues à la présence des tanins et des huiles essentielles. Hors les tanins ne sont absolument pas extraits dans l’huile, et la quantité d’huiles essentielles qui se déposent dans un macérat huileux est vraiment très infimes pour revendiquer des propriétés thérapeutiques. On confond souvent « la macérat de rose », avec l’huile de rose musquée obtenue par pression à froid des graines.
Néanmoins je vous l’accorde, c’est impossible de résister à la fabrication de ce macérat huileux, ne serait-ce que pour s’embaumer de sa belle médecine, et dans de bonne condition il est quand même possible d’obtenir un macérat de pétales subtilement parfumé ! Une petite astuce est de prélever et de faire macérer également les étamines.
La recette du macérat huileux de rose est disponible sur mon blog via ce lien, parmi de nombreuses autres recettes à base de rose que je vous partage depuis plusieurs années.
En vous souhaitant de belles préparations poétiques, et n’hésitez pas à partager vos rosiers préférés ou les rosiers dont vous voudriez plus d’informations en commentaire.
Jess
Herboriste et poétesse
www.jardinalchimique.com