Réaliser un macérat huileux de plantes
Les macérats huileux sont une très belle façon de travailler avec la médecine des plantes, relativement simple et accessible, pour peu que l’on puisse gérer quelques petits détails. Aussi, il n’existe pas une seule façon de réaliser un macérat huileux, tout dépendra des plantes, de la météo, de votre temps et de votre disponibilité, et surtout de votre feeling.
Notez cependant que l’huile n’est pas un très bon solvant. De nature visqueuse et lourde, elle ne facilite pas les échanges entre les molécules et donc leur extraction. Pour améliorer l’extraction, nous allons nous aider de la chaleur, et du mouvement (c’est à dire bien mélanger chaque jour), pour faciliter les échanges entre les molécules et leur extraction.
L’huile est un solvant totalement non polaire, à la différence de l’eau qui est très polaire, raison pour laquelle l’eau et l’huile ne se mélangent pas. Ainsi tout ce qui est hydrosoluble sera difficilement extrait dans l’huile. Lorsque vous souhaitez utiliser une plante, il faudra être vigilant à vérifier si les molécules des propriétés que l’on recherche sont bien de nature non polaires et liposolubles.
Attention aux effets de mode sur internet, à titre d’exemple, la violette, le mimosa, l’ortie, la consoude, la framboisier, la pivoine, le coquelicot et bien d’autres ne sont pas du tout intéressant en macérât huileux, il est dommage de gaspiller des plantes alors qu’il y a tant d’autres possibilités ! Oui, je sais, tout le monde fait des macérats et des baumes de consoude… Que cela soit par intermédiaire alcoolique ou non, je vous explique dans un précédent article pourquoi l’huile n’est définitivement pas un bon solvant pour la consoude.
Si vous débutez, privilégiez des plantes riches en huiles essentielles par exemple, afin d’être sûr d’obtenir un macérât pertinent et efficace.
La méthode traditionnelle : l’huile de plantes macérées au soleil
✧ Récolter une quantité de plantes en suffisance pour remplir un bocal. Pour la majorité des plantes, on travaillera avec des plantes sèches, afin d’ôter l’humidité qui risquerait de faire rancir l’huile et de moisir. Pour les plantes plus délicates qui supportent moins bien le séchage, comme le millepertuis, on pourra juste pré-sécher nos plantes quelques heures à l’abri de la lumière et du soleil.
✧ Une fois vos plantes séchées ou pré-séchées, remplissez un bocal de ces plantes, puis recouvrez d’huile. Veillez à ce qu’il reste le minimum d’air dans votre bocal.
✧ Recouvrez d’une gaze si vos plantes contiennent encore un peu d’humidité pour que celle-ci s’évapore, ou fermez le bocal si les plantes sont sèches.
✧ Laissez infuser doucement votre bocal sous la chaleur du soleil, en le recouvrant d’un papier kraft pour éviter que les UV du soleil ne viennent nuire aux composés chimiques fragiles des plantes ainsi que de votre huile.
S’il y a peu de soleil, il est possible de simplement laisser infuser ses plantes près d’une source de chaleur, à proximité d’un poêle à bois ou d’un chauffage. Certaines personnes utilisent également la méthode express au bain-marie en laissant infuser leur huile pendant environ 3h-4h, mais personnellement je ne suis pas satisfaite du résultat de cette méthode.
La méthode par intermédiaire alcoolique
Cette méthode vulgarisée par Christophe Bernard en Europe est intéressante si l’on veut extraire un maximum de principes actifs, car l’huile est en effet un assez mauvais solvant. Ici, l’alcool va permettre une première extraction des principes actifs, l’alcool ayant une meilleure capacité de briser les parois cellulaires de nos plantes, favorisant ainsi la libération des principes actifs qui pourront mieux se lier aux molécules liposolubles.
Il nous faudra ici utiliser des plantes entièrement sèches, et un alcool à titre élevé, soit 94% .
✧ Imprégnez votre plante préalablement hachée très légèrement de cet alcool, juste de quoi l’humidifier sans qu’elle soit détrempée. Si vos plantes « nagent » dans votre alcool, c’est qu’il y a en a trop, il faudra alors rajouter un peu de plantes. Le plus simple est d’étaler vos plantes dans un plat assez large.
✧ Après 2h-3h, déposez vos plantes dans un bocal et ajoutez votre huile, à raison de 7 fois le volume de plantes, et la laissez ensuite infuser comme pour la méthode traditionnelle. Personnellement il m’arrive souvent de ne pas tenir compte de cette mesure (proposée par Christophe Bernard), et de simplement remplir un bocal avec mes plantes imprégnées d’alcool, puis de remplir mon bocal au maximum d’huile.
✧ J’ai remarqué que la chaleur suffisait à faire en sorte que l’alcool s’évapore tranquillement, cependant Christophe Bernard propose de passer le mélange huile + plantes au blender, ce qui va favoriser l’évaporation de l’alcool. Une fois passé au blender, il suffit de laisser vos plantes macérer dans de l’huile comme pour la méthode classique.
Attention, ce n’est pas parce que la méthode par intermédiaire alcoolique donne une huile bien plus colorée que la méthode classique, que votre macérat contiendra plus de principes actifs intéressants. Les pigments colorants des plantes sont souvent différents types d’anthocyanes, très anti-oxydants, ou encore de la chlorophylle. Il est important de savoir si ce sont vraiment ces principes actifs qui nous intéressent ? A titre d’exemple, la méthode par intermédiaire alcoolique de feuilles de consoude donne un macérat très vert, dû notamment à la chlorophylle. Pourtant cela ne signifie pas que les constituants réputés cicatrisants de la consoude sont forcément extraits (comme l’allantoïne, qui est surtout bien extraite dans l’acide acétique, et qui par ailleurs a une couleur blanche !).
Les pigments végétaux peuvent également être des catalyseurs ou des inhibiteurs de l’oxydation. La chlorophylle, par exemple, est photo-sensibilisante. Elle favorise l’oxydation en présence de lumière et rend l’huile plus fragile aux UV. Les bêta-carotènes, en revanche, captent l’énergie lumineuse et aident à protéger l’huile de l’oxydation (1).
Enfin, avec ce méthode, il est intéressant de se renseigner sur les phytoconstituants qui nous intéressent, afin de savoir si ceux-ci seront bien extrait dans de l’alcool pur, celui-ci ayant une tendance plutôt non polaire, et aura tendance à extraire plus de constituants non polaires (comme les résines ou huiles essentielles), et aura moins d’impact sur la majorité des constituants polaire (qui s’extrait par contre très bien dans l’eau). Pour en savoir plus sur les notions de polarité et les différents solvants d’extraction, je vous invite à lire mon article sur le sujet.
Pour l’une ou l’autre méthode, j’aime laisser mes macérats huileux infuser durant une lunaison, c’est à dire d’une pleine lune à la pleine lune suivante. Dans tous les cas, on laissera notre préparation infuser durant au moins 4 semaines, en veillant à mélanger régulièrement la macération pour favoriser l’extraction des principes actifs.
Une fois que votre huile s’est bien imprégnée des propriétés de vos plantes, filtrez avec un tamis fin, puis conservez votre huile dans un flacon en verre, de préférence en verre ambré pour éviter une oxydation dû à la lumière. Rendez ce qu’il reste de plantes à la terre ou au compost.
Les huiles médicinales ont de nombreuses vertus, dont on pourra ensuite profiter simplement en huile de massage, dans l’élaboration d’une synergie d’huiles de soin, d’huiles parfumées, pour préparer une baume, un cérat, un crème ou un lait corporel, etc.
✽ QUELLE QUANTITE DE PLANTES ?
Le plus important ici est de remplir votre bocal de plantes au maximum, puis de le recouvrir d’huile. Le mieux est qu’il n’y ait pas trop d’air dans le bocal, afin d’éviter l’apparition de moisissure.
Si on veut vraiment jouer sur les chiffres, un ratio minimum est 1 part de plante pour 10 parts d’huile (toujours tout peser en gramme). Vous pouvez également, après avoir filtré une première fois votre huile, la réutiliser pour de nouvelles plantes, ainsi la macérat sera plus concentré.
✽ PLANTES FRAICHES OU SECHES ?
Tout dépend de la plante… Il vaut mieux toujours faire sécher ou pré-sécher votre plante, afin d’en ôter l’humidité, car c’est entre autre l’humidité qui fera rancir votre huile. Vous pourrez également voir apparaître de la moisissure à la surface de votre macérat s’il y a trop d’air dans votre bocal.
Mais cela peut-être délicat pour certaines fleurs fragiles, comme le millepertuis ou la rose. Dans ce cas, on peut effectuer un pré-séchage quelques heures, (dans un espace aéré et à l’abri de la lumière), ou tout simplement utiliser votre plante fraîche, en veillant régulièrement (tous les jours voir plusieurs fois par jour) à ouvrir votre bocal afin de laisser l’eau s’évaporer, et à enlever les gouttelettes d’humidité sur le bocal avec un linge propre. Vous pouvez également, au lieu de fermer votre bocal hermétiquement, le recouvrir d’un tissu propre et naturel maintenu par un élastique ; ça peut être une bonne option si on ne peut pas aller vérifier ses macérats tous les jours, mais il faut faire attention que les nuits ne soient pas trop humides et bien sûr qu’il n’y ait pas de pluie. C’est l’option que j’utilise quand je dois m’absenter quelques jours.
✽ FLACONS EN VERRE FUME OU TRANSPARENT POUR LA MACERATION ?
Le flacon en verre fumé n’apportera comme amélioration que de protéger votre macérat huileux des rayons UV du Soleil qui peuvent altérer les principes actifs. Vous pouvez aussi utiliser un bocal en verre transparent et recouvrir votre bocal d’un papier/sac en kraft. Personnellement, je prépare toujours mes macérats dans des bocaux en verre transparent, par contre, je ressens intuitivement de ne pas les laisser en plein cagnard d’été, surtout pendant les périodes de canicules. Je préfère personnellement les infusions douces des rayons du soleil du matin et fin de journée en période de canicule, et à l’inverse je veillerai à suffisamment de chaleur pour les macérats printanier où les journées sont encore fraîches.
✽ QUELLE HUILE CHOISIR ?
Bien sûr, toujours bio et de première pression à froid. Si elle vient d’un producteur local pas loin de chez vous, c’est encore mieux !
On parle souvent de l’huile d’olive, comme une huile stable, et qui s’oxyde peu. Mais c’est aussi une huile à la texture assez lourde, qui pénètre moins bien, et dont l’odeur peut parfois déplaire. Tout dépendra donc de la finalité de votre huile. Si c’est pour une huile de massage pour le dos ou pour les articulations, c’est moins dérangeant que pour une huile pour le visage.
Vous pouvez préparer un mélanger avec la moitié d’huile d’olive et la moitié d’une autre huile aux choix. En herboristerie nous utilisons en général de l’huile de tournesol ou de sésame, mais mais celles-ci sont des huiles polyinsaturées, et donc moins stables. En général nous cherchons plutôt des huiles monosaturées, et les huiles de macadamia, d’amande douce ou de jojoba sont intéressantes.
Huiles polyinsaturées | Huiles monoinsaturées | huiles saturées | |
---|---|---|---|
niveau de stabilité | peu stable, rancissement et oxydation rapide Peu adapté pour les macérats de plantes | stable, oxydation si chaleur très élevée (ex : cuisson, friture) Très adapté pour les macérats de plantes | très stable, adapté pour les températures élevées |
texture | très fluide | fluide | solide, liquide sous l'effet de la chaleur peu adapté pour les macérats de plantes |
huiles | lin, tournesol, colza, sésame, chanvre, avocat, bourrache, noisette ... | olive, macadamia, amande douce, jojoba, ... | karité, beurre de coco, cacao |
✽ COMMENT EVITER LE RANCISSEMENT ?
Le rancissement est dû à deux choses : l’humidité, et l’oxydation.
– Pour l’humidité, il faut donc veiller à ce que votre macérat contienne le moins d’eau possible comme expliqué plus haut.
– Pour l’oxydation, cela dépendra du choix de votre huile. Si vous optez pour une huile polyinsaturée (tournesol, colza, noix, etc…) , donc plus fragile, vous pouvez diminuer le risque d’oxydation en y ajouter un peu de vitamine E, ou éventuellement ajouter de l’huile essentielle, comme de la lavande ou du romarin qui ont un fort pouvoir anti-oxydant. Tout dépendra des propriétés qui vous intéresseront dans l’élaboration de votre macérat, et si le parfum de ces huiles essentielles vous convient ou non. Par contre, l’ajout d’huile essentielle ne protégera pas votre huile du rancissement causé par un excès d’humidité
✽ ET QUAND IL N’Y PLUS DU TOUT DE SOLEIL ?
Vous pouvez tester la macération à froid. Ce n’est pas pareil, mais ça peut dépanner. Vous suivez le même procédé, mais au lieu d’exposer votre bocal plusieurs semaines au soleil, vous pouvez le faire chauffer doucement au bain-marie, pendant 3h à 4h.
✽ COMMENT CONSERVER MON HUILE UNE FOIS FILTREE ET COMBIEN DE TEMPS ?
Ici le mieux sera un flacon en verre ambré, toujours bien stérilisé, à l’abri de la chaleur et de la lumière. Il n’est pas spécialement nécessaire de la garder au frigo sauf si vous en avez une raison particulière, le tout est d’éviter les grosses variations de température.
Si elle a été bien préparée et conservée dans un flacon propre, elle pourra se garder plusieurs mois à un an, voir même jusqu’à 18 mois (j’ai conservé de l’huile de millepertuis et de l’huile de lavande pendant près de deux ans sans aucun problème et toujours aussi efficaces !
✽ PEUT-ON FAIRE UNE MACERATION HUILEUSE AVEC N’IMPORTE QUELLE PLANTE ?
A priori oui, vous pouvez faire macérer n’importe quelle plante dans de l’huile, mise à part les plantes toxiques et/ou photosensibilisantes, vous ne courrez aucun danger. Maintenant la question est de savoir si cela sera pertinent ou non… Il est préférable de faire macérer les plantes dont on est sûr d’en extraire les principes actifs, plutôt que de faire macérat huileux de plantes qui seront peut-être jolis, mais qui n’auront pas ou peu d’intérêt. On choisira dont des plantes avec des principes actifs LIPOSOLUBLES, comme des plantes riches en huiles en essentielles par exemple. Cela demande d’étudier correctement les plantes avec lesquelles nous travaillons et un peu d’expérience, mais ça vient vite !
Il est important aussi de vous demander si cette préparation vous sera vraiment utile, afin de préserver la nature et ne prendre que ce dont nous avons besoin en minimisant le plus possible l’empreinte que nous laissons derrière nous.
Quelques suggestions
✽ ACHILLEE MILLEFEUILLE (sommités fleuries, feuilles) : Une plante féminine par excellence, appelée aussi le Sourcil de Vénus. C’est une excellente vulnéraire, ce qui signifie qu’elle aura une action au niveau de la peau, cicatrisante et régénérante. Elle aura également une action certaine sur le sang : elle sera hémostatique, c’est à dire qu’elle calme les saignements. On lui prête également des vertus antispasmodiques, et calme donc les crampes menstruelles et intestinales.
En cas de blessures légères par exemple, vous pouvez mâcher quelques feuilles en bouche pour saliver et l’humidifier pour faire ressortir son « jus » et l’appliquer directement là ou ça saigne, comme lorsque que l’on vient de se couper au jardin ou à la cuisine (jamais sur une plaie grave/ ouverte !) .
Son huile aura donc une action similaire. Anti-inflammatoire, elle calmera également les règles douloureuses et les douleurs dues à l’endométriose en massage sur le bas du ventre. Elle active la circulation du sang et apaise les jambes lourdes, œdèmes, phlébites, et tous problèmes de circulation du sang. Son huile sera excellente également pour tonifier les tissus cutanés.
✽ CALENDULA (fleurs) : grande vulnéraire également, elle est cicatrisante, apaisante et régénérante cutanée. Elle soulage les blessures légères, crevasses, rougeurs, irritations, hydrate et nourrit en profondeur (excellente dans les baumes à lèvres pour l’hiver) et c’est une plante de choix pour les bébés et jeunes enfants, ainsi que pour les peaux sensibles. Elle convient très bien aux mamans en cas de crevasses au niveau des mamelons pendant l’allaitement, et pour les érythèmes fessiers des bébés.
✽ CAMOMILLE MATRICAIRE (fleurs) : Ces jolis fragments de soleil nous offrent également de merveilleuses propriétés anti-inflammatoires et antispasmodiques pour la peau et pour les muscles. Elle est également intéressante pour les problèmes gynécologiques liés à la « matrice », en particulier en cas de crampes et douleurs inflammatoires.
Elle sera également calmante du système nerveux, et convient aux enfants, notamment lorsqu’ils ont des difficultés à dormir ou des digestions difficiles.
✽ HELICHRYSE ITALIENNE (sommités fleuries) : Une belle plante du soleil également, que l’on récolte aussi à la Saint Jean ! Son parfum est merveilleux, et elle sera, tout comme l’arnica, une plante souveraine en cas d’hématomes, coups, bosses, blessures légères, et soutiendra la circulation lymphatique et sanguine.
✽ LAVANDE (fleurs) : cicatrisante, apaisante, antispasmodique, décontracte les muscles, calme les démangeaisons de toutes sortes (piqûres d’insectes, eczéma, …), calmante du système nerveux, convient très bien aussi pour les enfants. C’est une huile intéressante également pour tous les troubles digestifs, à appliquer en massage sur le bas du ventre.
✽ MILLEPERTUIS (sommités fleuries): Merveilleuse plante du Soleil que l’on récolte à la Saint Jean le 21 juin (comme l’arnica, l’hélichryse, …). Elle donne une très belle huile rouge, et sera la plante souveraine en cas de brûlures, coups de soleil, irritations, inflammations et blessures légères, et en cas de douleurs névralgiques.
Mais attention, son joli paradoxe est qu’elle sera photosensibilisante, il vaut mieux donc ne pas s’exposer au soleil dans les 12h qui suivent son application, certains disent même 24h.
D’ailleurs, après toute application d’huile, mieux vaut ne pas s’exposer au soleil.
Source :
(1) https://www.oden.fr/oxydation-des-huiles-vegetales/
www.altheaprovence.com