La face cachée des plantes adaptogènes
Améliorer la résilience au stress, apaiser l’anxiété, tonifier l’immunité, renforcer le cœur … les plantes adaptogènes ont tout pour séduire !
Rhodiola, Astragale, Ashwagandha, Éleuthérocoque, Schisandra et tant d’autres ont aujourd’hui le vent en poupe, et sont largement conseillées comme de précieuses alliées autant par les herboristes que par de plus en plus de médecins, sans oublier, bien sûr, les industries des compléments alimentaires qui nous vendent toutes sortes de remèdes miracles…
Les plantes adaptogènes sont de plus en plus populaires en raison de leurs supposés bienfaits pour la santé et la gestion du stress.
Cependant, il est important de prendre du recul et d’examiner les répercussions de cet effet de mode sur la biodiversité et la ressource, mais également d’observer notre tendance à préférer des plantes “d’ailleurs” comme des panacées qui règleront nos problèmes, sans s’intéresser aux causes profondes de nos déséquilibres, à commencer par l’alimentation, le sommeil, les habitudes de vie, les émotions (qui nécessitent parfois un soutien thérapeutique par un professionnel de santé).
Les plantes adaptogènes sont victimes de leur propre popularité. La demande croissante pour ces plantes a conduit à une cueillette abusive et une surexploitation de certaines populations sauvages, mettant en péril leur survie.
En outre, le réchauffement climatique et la déforestation ont un impact sur la disponibilité de ces plantes dans leur habitat naturel, menaçant davantage leur existence.
À titre d’exemple, la rhodiole (Rhodiola rosea), actuellement très à la mode et présentée comme un remède hors paire contre le stress, les troubles anxieux et les états d’épuisement, est en train de disparaître dramatiquement. Une recherche de 2020 a montré que le marché autour de la rhodiole est largement issue d’une cueillette en zone protégée, donc illégale, en plus d’être souvent substituée par d’autres variétés puisque sa ressource s’épuise de plus en plus (1)
La France n’est pas épargnée, selon l’INPN, elle est considérée en danger critique en Alsace, et vulnérable en Aquitaine.

La solution serait-elle de les cultiver ?
Pour certaines plantes, comme l’ashwagandha (Withania somnifera), ou encore le basilic sacré (Ocimum sanctum), très utilisées dans la tradition ayurvédique indienne, il est parfois possible de les cultiver sous nos latitudes et d’en retrouver une composition chimique similaire aux variétés poussant à l’état sauvage. Mais ce n’est pas le cas pour la majorité des adaptogènes, poussant à des altitudes élevées (+ de 1000 mètres, parfois bien plus), comme c’est le cas pour la rodhiole. Ce sont ces conditions extrêmes qui leurs permettent de développer leurs métabolites secondaires procurant des vertus thérapeutiques incomparables. Donc oui, la culture de certaines plantes adaptées à nos climats peut permettre d’éviter de piller la ressource sauvage et nuire à des écosystèmes, et en même temps, non, la mise en culture n’est pas toujours la solution, si les conditions ne sont pas semblables à leur milieu naturel.
Par ailleurs, pratiquer une vision vitaliste de l’herboristerie, ce n’est pas juste s’intéresser à ce que les plantes peuvent nous apporter. Il s’agit aussi de considérer les autres formes de vie, au sein de notre environnement, ou encore au sein d’un biotope. Prendre soin de la vie autour de soi, c’est également prendre soin de soi, et c’est avant tout faire preuve d’empathie en décentralisant l’attention de notre petit moi personnel.
C’est redonner la place au vivant. C’est comprendre les plantes autour de soi et apprendre à les utiliser de manière responsable. C’est aussi valoriser l’artisanat local.
On prend soin de se que l’on connait. Et les plantes sauvages et cultivées de nos régions regorgent de vertus, quand on sait les utiliser consciemment.
Lavande, millepertuis, aubépine, cassis, et tant d’autres peuvent nous apporter des bienfaits considérables pour améliorer nos états anxieux, apaiser le stress, favoriser la concentration, fortifier le coeur, …
Attention cependant, plantes locales ne veut pas dire qu’il n’y aucune pression sur la ressource. De nombreuses plantes en France disparaissent également, et “cueillir en conscience”, “juste ce dont j’ai besoin” ne suffit pas toujours. Renseignez vous sur l’état de la ressource dans votre région, et cultivez les variétés sous tension si vous le pouvez et si votre environnement est propice à ces plantes.
Enfin, il est important de considérer que les plantes, adaptogènes ou non, ne peuvent pas se substituer à une alimentation saine et adaptée à vos besoin, à un sommeil réparateur notamment pour une bonne production de mélatonine qui est un anti-oxydant puissant que votre corps produit naturellement, à une activité physique régulière, à de bonnes habitudes de vie, à une gestion du stress adéquate et de nouvelles décisions à prendre si nécessaire pour améliorer votre qualité de vie.
Tout est lié, prendre soin de soi c’est prendre soin de la terre et ses ressources, prendre soin de la terre et des ses ressources c’est prendre soin de soi et de tous les êtres vivants.
Finalement, tout est lié :
Se tourner vers ses propres ressources locales pour préserver la biodiversité et éviter d’épuiser les ressources de la planète et en outre-passer systématiquement les limites, ainsi que la capacité d’une population de plante à se régénérer
Se tourner vers ses propres ressources intérieures, physiques et psychiques, accepter ses propres limites en vue d’une démarche de santé holistique et durable, et cesser de toujours vouloir donner plus que ce qui nous est possible.
Pour aller plus loin :
Lien vers l’AFC (association française des professionnelles de la cueillette) : https://www.cueillettes-pro.org/
Lien vers l’Inventaire National du Patrimoine Naturel, qui vous permet d’avoir une idée de l’état d’une plante dans votre région (mais insuffisant, car certaines plantes ne sont pas répertoriées de façon plus local) : https://inpn.mnhn.fr/
Sustainable herbs program, à l’étranger, mais une ressource inspirante étant donné que de nombreuses plantes utilisées en herboristerie sont des plantes issues de cueillettes à l’étranger : https://sustainableherbsprogram.org/
(1) Eétude mentionnée sur la rhodiole : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33358852/