Comment préserver la vitamine C du Cynorrhodon (églantier) ?
La vitamine C, et particulièrement sa préservation, est un sujet qui suscite souvent quelques débats car celle-ci serait facilement détruite par la chaleur. En herboristerie, nous utilisons de nombreuses plantes et petits fruits sauvages contiennent de la vitamine C, et les herboristes sont fréquemment soucieux de trouver la meilleur façon de la conserver, notamment lors de l’utilisation des cynorrhodons, les faux fruits de l’églantier, la rose sauvage. Je ne vais pas aborder ici toutes les propriétés des cynorrhodons, il y a déjà énormément d’informations sur le sujet, pour me concentrer sur certaines recherches autour de la vitamine C.
La vitamine C est également appelée acide ascorbique, car elle fut découverte comme traitement à la maladie du scorbut. Cette maladie affectait les particulièrement les marins, lorsque l’on commença à initier de longs voyages, sans escales, et donc sans possibilité de ravitaillement d’aliments frais. Les marins mourraient par centaines, le plus triste record revient à l’Amiral anglais Anson qui, lors de son tour du monde (1740-1744), perdit près de 1800 hommes sur les 2000 embarqués.
On découvre ensuite que les marins consommant des agrumes survivent mieux en mer. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle la marine anglaise, dont l’équipage consommait régulièrement du jus de citron conservé avec de l’alcool, pu maintenir une certaine suprématie sur les océans.
Il faudra attendre 1928 pour que l’on identifie une carence en vitamine C, et c’est le chercheur hongrois Albert Szent-Györgyi qui va isoler l’acide ascorbique (‘empêchant le scorbut’).
La vitamine C joue un rôle d’anti-oxydant très important. Elle intervient dans de nombreuses réactions métaboliques, notamment dans l’assimilation du fer, je vous en ai déjà parlé en détail dans mon article sur l’ortie. Hydrosoluble, elle n’est pas stockée par l’organisme, et il est nécessaire d’en consommer régulièrement par une alimentation riche en fruits, légumes et végétaux pour un apport suffisant et éviter toute carence.
Les plantes se développent grâce à la photosynthèse, via la chlorophylle. Cette chlorophylle est photo-sensibilisante, et favorise l’oxydation en présence de lumière, mais forte heureusement, les plantes développent de nombreux anti-oxydants pour se préserver de cette oxydation, mais également pour se préserver des agressions extérieures comme la sécheresse ou le froid intense. C’est ainsi qu’elles produisent de nombreux métabolites secondaires comme différents acides organiques, dont notre acide ascorbique mais également de l’acide citrique, de l’acide formique, ainsi que des flavonoïdes, des polyphénols, et d’autres anti-oxydants.
Le cynorrhodon contient une quantité très importante de vitamine C, cela dit les études nous donnent des chiffres très variables, entre 270 mg et 1100 mg. Mais il contient également une quantité importante d’autres molécules ayant également un rôle d’anti-oxydant, comme des caroténoïdes pour se protéger des radicaux libres. La couche juste en dessous de la peau du cynorrhodon contiendrait le plus de ces anti-oxydants, vitamine C comprise (1).
La vitamine C, isolément, ne résiste pas bien à la chaleur, ni au séchage. Il est ainsi courant d’entendre ou de lire que pour profiter au maximum du cynorrhodon, il faut éviter la cuisson et le consommer frais.
Mais certains herboristes avancent que la présence d’autres anti-oxydants, comme entre autre ces caroténoïdes, formerait une sorte de couche protectrice et préserverait la vitamine C lors de la cuisson, notamment pour en réaliser un sirop ou une confiture.
Certaines études confirment plutôt bien cette théorie (2).
Je suis par ailleurs tombée sur l’article d’une collègue herboriste où elle partage son analyse de différentes préparations à base de cynorrhodons afin de comparer la différente teneur en acide ascorbique (3). Même si, comme elle le dit elle-même, l’expérience n’est pas parfaite, ses conclusions confirment que la teneur en vitamine C dans une préparation à base de cynorrhodons supporte mieux la chaleur qu’on ne le pense.
Ceci confirmerait l’usage du sirop de cynorrhodons largement répandu durant le deuxième guerre mondiale afin de préserver les soldats du scorbut.
Par contre la vitamine C se dégrade avec le temps, il est dont intéressant de consommer les cynorrhodons que l’on aurait fait sécher assez rapidement si l’on veut profiter de la vitamine C.
Enfin, Christophe Bernard a comparé le cynorrhodon avec une étude sur du jus de grenade(4), que l’on a fait chauffer à différentes températures, soit 70C°, 80C° et 90C°. Il semblerait que la température à 70C° serait celle qui conserve mieux la vitamine C.
Avec toutes ces informations, on peut se dire que le sirop et la confiture de cynorrhodons restent de très bonnes préparations pour un usage familiale et un apport quotidien de vitamine C pour des personnes en bonne santé, si l’on veille à une cuisson adéquate. L’alcoolature ne sera cependant pas une méthode appropriée si l’on veut profiter de la vitamine C, d’une part parce qu’elle n’est pas soluble dans l’éthanol (mais vous profiterez de quelques autres anti-oxydants solubles dans celui-ci), d’autre part parce que la quantité extraite même dans un alcool contenant une part importante d’eau (comme un alcool de fruit à 45C°), les quantités extraites sont bien trop inférieurs pour un apport suffisant significatif en vitamine C.
Il nous restera par contre la possibilité de les consommer crus en profitant de leur pulpe délicieuse, ou encore d’en faire des infusions à une température qui ne sera pas trop élevée ! L’idéal sera par contre de les hacher, car cette action permet une meilleure extraction de la vitamine C. Seul inconvénient, les cynorrhodons sont remplis d’akènes velus, qui peuvent être très désagréables et irriter la gorge ainsi que tout le tractus digestif ! Il faudra donc veiller à bien filtrer l’infusion avec une fine étamine !
On voit aujourd’hui de plus en plus de marques de compléments alimentaires se tourner vers des extraits de plantes concentrés, voir de les ajouter à leur formule, afin d’obtenir l’effet synergique de nombreux phytoconstituants, dont des anti-oxydants, car la vitamine C isolée pourrait avoir une activité pro-oxydante.
L’acide ascorbique, sous forme ionisée se transforme en ascorbate, et sera biosynthétisé dans toutes les plantes vertes. Cet ascorbate est présent avec les flavonoïdes dans l’appareil photosynthétique où il protège la plante de la photooxydation et des dommages causés par les UV. Il participe également à la synthèse des tocophérols (vitamines E) et des plastoquinones (co-enzymes importantes lors de la phtosynthèse). C’est un ensemble complexe qui agit au sein des plantes pour les préserver, et cet ensemble moléculaire aurait une capacité supérieure à préserver la vitamine C que lorsqu’elle se présente sous forme de molécule isolée.
On entend même parfois parler de cas où lorsqu’une trop grande quantité d’ascorbate est consommée (la forme que l’on nous incite régulièrement à consommer de la vitamine C sous forme de complément alimentaire durant l’hiver !), cela pourrait avoir une activité pro-oxydante, puisque nous n’avons plus ici l’effets des autres anti-oxydants « protecteur » (comme les bioflavonoïdes) nécessaires pour régénérer sa forme réduite.
Cela dit, il est difficile de doser une quantité suffisante de vitamine C juste par la consommation de cynorrhodons et même de fruits.
Je n’ai pas un avis tranché sur la question. Je pense qu’il est avant tout nécessaire de déterminer s’il y a carence ou pas avant d’envisager une prise de complément alimentaire, que cela soit à base d’ascorbate isolé, ou de préparation utilisant le totum de la plante, et donc pour cela de consulter un professionnel afin d’effectuer un bilan. Ensuite c’est une question de bon sens, comme toujours. En consommer régulièrement des fruits et des légumes variés, de saisons, on peut profiter également de la vitamine C des cynorrhodons ainsi que de ces autres anti-oxydants, et il ne devrait pas y avoir de problème. Si la préparation à base de cynorrhodons est trop fastidieuse pour vous, et qu’il est nécessaire de combler une carence, alors inutile de se poser trop de questions, un complément alimentaire sera tout à fait approprié, et vous pouvez continuer à consommer des aliments riches en anti-oxydants par ailleurs.
Cueillettes & recettes
Pour profiter des cynorrhodons, voici quelques recettes, qui ne seront pas juste thérapeutiques, mais également délicieuses !
On recommande souvent de cueillir les cynorrhodons une fois que les premières gelées sont passées. Ceci permet en effet de les ramollir, et rend la pulpe plus tendre. Mais il devient alors pour difficile des les couper en deux pour enlever les akènes poilues, qui sont très irritants ! A vous de choisir la méthode qui vous convient ! Notez cependant que de les hacher avant de faire votre préparation permet une meilleure extraction de la vitamine C. Si vous choisissez de ne pas enlever les akènes, il faudra les filtrer avec un tamis très fin, et dans tous les cas, vous armer de patience !
Le fait d’attendre les premières gelées à également un autre effet. le passage du gel apporte toujours une saveur plus sucré aux végétaux. Si vous cultivez un jardin, peut-être l’avez-vous remarqué lors d’une récolte plus tardive ? Ainsi les cynorrhodons pourront avoir un goût moins acidulés et légèrement plus sucrés après le passage des premières gelées.
Récolter vos cynorrhodons lorsqu’ils sont bien mûrs et bien rouges, en veillant à les glaner sur différents arbustes afin d’en laisser suffisamment pour les oiseaux et autres animaux sauvages. Si vous cueillez en sauvage, renseignez-vous avant de récolter auprès du propriétaire du terrain, afin non seulement d’avoir l’autorisation, mais également d’être sûr qu’il n’y a pas de nombreux cueilleurs qui se servent déjà sur cet arbre. C’est une action indispensable, que peu de gens font, et pourtant nécessaire pour éviter d’appauvrir la nature, car il n’est pas toujours évident de savoir au premier regard si nous sommes les seuls à cueillir. Les propriétaires donnent en général très souvent leur autorisation pour ce genre de cueillettes ponctuelles, et cela permet de créer du lien avec les locaux de notre région.
L’eau vertueuse de cynorrhodons
Après votre cueillette, hachez vos cynorrhodons et remplissez en un bocal, couvrez d’eau et laissez infuser toute une nuit. Le lendemain, pressez les cynorrhodons afin de les réduire en purée (avec le liquide), et laisser macérer encore plusieurs heures près d’une source de chaleur.
Filtrez ensuite soigneusement votre préparation. Cette étape peut-être délicate étant donné la présence d’akènes recouverts de poils irritants. Je vous conseille de filtrer une première fois grossièrement votre préparation, puis une deuxième fois avec une mousseline ou un tissu fin.
Votre eau vertueuse de cynorrhodon est ainsi prête à être dégustée. Vous pouvez également la conserver quelques jours au frais, je vous conseille néanmoins de la boire dans les 2,3 jours pour en profiter pleinement !
Vous pouvez également légèrement chauffer votre préparation avant de filtrer, puisque nous avons plus haut que la chaleur ne diminue pas tant la quantité de vitamine C. Avec une température inférieur à 70C°, il est possible de profiter encore pleinement de cette vitamine ainsi que de nombreux anti-oxydants !
Oxymel d’automne
Lorsque l’automne se pare de ses nouvelles couleurs chaudes, j’avais envie d’inviter cette chaleur flamboyante dans une préparation aigre-douce comme l’oxymel, légèrement acide pour raviver un peu le feu digestif, tout en apportant la douceur du miel qui nous prépare à ralentir et à nous déposer pour accueillir ce passage vers une période d’introspection.
Alors que les journées raccourcissent, j’ai imaginé une préparation lumineuse, chaleureuse et réchauffante. J’y ai intégré du curcuma, du gingembre et de la cannelle qui, en plus d’être de puissantes anti-inflammatoires, stimulent le métabolisme et ramènent de la chaleur au corps permettant une meilleure transition vers les journées plus froides. Par leurs saveurs piquantes et réchauffantes, leurs médecines vont également aider à stimuler « Agni », le feu digestif en Ayurvéda, pour faciliter une première digestion des aliments au niveau de l’estomac. En ayurvéda, un feu digestif fort et une bonne digestion témoigne d’une capacité à incarner pleinement qui nous sommes et à déployer notre créativité. Bien que cela puisse rester des concepts plus éloignés de notre culture, on peut se laisser porter par cette préparation chaleureuse qui amène simplement de la joie et nous met naturellement dans un état d’ouverture.
J’y ai aussi ajouté quelques tranches des premières clémentines de la saison, pour leur délicieuse saveur mais aussi pour leur richesse en diverses vitamines.
Puis vient l’ingrédient principal de cette préparation, de délicieux cynorrhodons, fruits de l’églantier, le rosier sauvage.
Enfin pour terminer, j’y ai ajouté quelques pétales de roses, pour la tendresse.
Ainsi la joie et la tendresse seront comme deux ailes pour plonger dans nos profondeurs durant l’hiver et accueillir nos parts d’ombres et nos vulnérabilités avec douceur et compassion.
✧ Ingrédients ✧
✧ Un bocal d’environ 500 ml
✧ Du vinaigre de cidre de pomme
✧ Du miel liquide (acacia)
✧ 2 ou 3 belles clémentines ( ou autres agrumes qui vous donnent envie)
✧ une vingtaine de cynorrhodons
✧ 1 bâton de cannelle
✧ 2 cm de rhizome de gingembre
✧ 2 cm de rhizome de curcuma
✧ Recette ✧
Découpez tous les ingrédients et déposez-les dans un bocal. Remplissez ensuite de moitié votre bocal de miel, et ajoutez ensuite le vinaigre, et mélangez bien le tout. Vous pouvez aussi diminuer la quantité de miel selon vos goûts, en général on prépare un oxymel avec une part de miel et une part de vinaigre, ou une part de miel et deux parts de vinaigre (en volume). Laissez macérer votre préparation durant 15 jours, puis filtrez-la et conservez-la dans un joli flacon.
Vous pouvez consommer cet oxymel à raison de deux à trois cuillères à café par jour, ou encore l’intégrer dans vos préparations culinaires.
Ketchup sauvage et confiture de cynorrhodons
Pour cette recette il sera nécessaire d’extraire la pulpe, et il faudra s’armer de courage, et de patience…Vous pouvez soit couper les baies en deux et enlevez la pulpe et les graines à l’aide d’une cuillère, soit les cuire entières mais le filtrage sera plus long.
Dans les deux cas, placez les ensuite dans une casserole et recouvrez les d’eau, et faites chauffer le tout à feu doux, idéalement en dessous de 70C°.
Après 15 minutes, filtrez votre préparation dans un tamis le plus fin possible. Pour ma part j’utilise un premier tamis pour filtrer d’abord les graines, puis un tamis plus fin pour ôter les poils. C’est long, mais c’est ce qui permet d’obtenir une pulpe onctueuse et agréable. Ma petite astuce : parfois je n ‘hésite pas à rajouter un peu d’eau pour rendre la préparation un peu plus liquide et faciliter la filtration, puis je laisse ensuite réduire toujours à feu doux, comme pour concentrer un sirop.
Avec cette pulpe, libre court ensuite à la créativité !
✧ Confiture de cynorrhodons ✧
Peser la pulpe, puis ajouter 60 à 70% du poids en sucre, et porter le tout à feux doux. Attention à bien surveiller votre cuisson, car la pulpe peut facilement attacher au fond de la casserole. Au préalable, on peut rajouter un peu d’eau. Une fois le sucre bien fondu, retirer du feu, ajouter le jus d’un citron pour environ 1kg de pulpe, puis conserver votre confiture dans des pots bien stérilités.
✧ Ketchup sauvage ✧
Je me suis inspirée ici d’une recette de Linda Louis dans son livre « L’appel gourmand de la forêt », que j’ai ajusté à ma sauce, c’est le cas de le dire ! Je rajoute ici simplement une à deux cuillères à café de vinaigre de cidre de pomme, une pointe de sel, et les épices du moment selon l’inspiration : cumin, coriandre, thym, aneth, basilic, ainsi qu’un peu d’ail frais rappé pour sa précieuse allicine.
Cette « sauce tomate sans tomate » s’accommode à toutes sortes de plats : pizzas, quiches, pommes de terre, pâtes, ou simplement pour agrémenter un plat de légumes par exemple.
Sources :
(1)https://www.researchgate.net/publication/285984054_Concentration_of_vitamin_C_and_antioxidant_activity_of_rosehip_extracts
(2)https://citeseerx.ist.psu.edu/document?repid=rep1&type=pdf&doi=aa07df329bfce2954d0651e82beec438691bfd7a&fbclid=IwAR2QnplB54Zqa7bp-3WJceLdtP8skhgQZux41sxxIJX-Epoj2udg-Yzfx7A#:~:text=Ascorbic%20acid%20values%20of%20rosehip,and%2037mg%20%2F100g%2C%20respectively
(3)L’expérience de Monica sur la préservation de la vitamine C : https://www.apprentie-en-herbes.com/post/le-cynorrhodon-quelle-est-la-meilleure-fa%C3%A7on-d-extraire-sa-vitamine-c-en-herboristerie-familiale
(4)https://www.researchgate.net/publication/285957468_Effect_of_thermal_treatment_on_ascorbic_acid_content_of_pomegranate_juice
https://www.dijon-sante.fr/reportage
https://www.universalis.fr/encyclopedie/albert-szent-gyorgyi/
4 commentaires
Je viens de découvrir votre site et vos articles !
J adore…
Merci beaucoup !
Bonjour Jessica, merci béa pour toutes ces informations précieuses.
Est-ce que les akènes restent irritants s’ils sont mixés fins ? J’ai la chance d’avoir un vitamix et je me demandais si ça pouvait éviter le travail acharné de tout trier / filtrer.
Merci 🙏🏻
Bonjour, j’utilise des outils de cuisine très basiques et à vrai dire peu d’électroménager, donc je ne sais pas vous dire. Le plus simple reste d’essayer. Néanmoins dans les recettes que je propose j’utilise simplement une étamine très fine, ce n’est pas tant de travail. Bonne préparation !