L’ortie peut-elle remplacer la viande ?
L’ortie est vraiment notre Or des campagnes, et c’est une plante qui a vraiment traversé tous les âges de l’humanité pour nous soutenir dans les moments les plus difficiles. Avoir de l’ortie autour de moi, c’est n’être jamais pauvre, ni lésée. Et que dire de ses vertus médicinales qui accompagnent tous les règnes depuis la nuit des temps ! Voilà pourquoi elle incarne la richesse, l’Or-tie des campagnes !
Beaucoup de personnes aujourd’hui se tournent vers une alimentation essentiellement ou exclusivement végétale pour diverses raisons, et avec la nouvelles émergence des différentes modes alimentaires et médecines alternatives, on retrouve de nombreuses publications, souvent raccourcies, comparant la viande à différents types de protéines végétales. Il n’est pas rare non plus de lire que l’ortie, plante riche en de nombreux minéraux et en protéine, puisse satisfaire un apport suffisant de protéine. Qu’en est-il exactement ? Je vous propose ici de creuser un peu le sujet, je vous parlerai également du fer et de son absorption, et je vous partage quelques recettes à base d’ortie en fin d’article.
Avant tout, quelles sont les rôles des protéines ?
Les protéines contiennent différents acides aminés indispensables à la synthèse des hormones protéiques, autrement dit à la base de très nombreuses fonctions métaboliques de notre corps !
Sur ce point l’ortie est déjà une plante intéressante, car elle est une des rares plantes à contenir tous les acides aminés dits “essentiels” (au nombre de 9), que l’on ne peut obtenir que par la nourriture. Il faut donc s’assurer d’un apport régulier suffisant. Ces acides aminés de trouvent dans leur totalité également dans la viande. Il n’est par contre pas possible de les trouver dans la totalité uniquement dans les lentilles, pois chiches, etc. Raison pour laquelle il est indispensable de combiner légumineuses et céréales/grains, les deux se complétant parfaitement. À titre exemple, nous retrouvons le fameux dhal indien (lentilles et riz), ou encore le traditionnel houmous (poids chiche et sésame).
Les protéines ont également un rôle majeur à plusieurs niveaux, dont voici les principaux :
✧ maintenir la force musculaire et la densité osseuse
✧ assurer un rôle structurel, en constituant le tissu des muscles et des tendons, mais aussi les cheveux, les ongles, la peau
✧ transporter de l’oxygène via l’hémoglobine, et ainsi fournir suffisamment d’oxygène à nos cellules.
✧ catalyser toutes les réactions biochimiques sous forme d’enzymes. Une enzyme permet à la réaction chimique d’avoir lieu plus rapidement, et en utilisant moins d’énergie. En moyenne, une centaine de réactions chimiques ont lieu dans chaque cellule de l’organisme chaque seconde, et presque toutes dépendantes des enzymes.
✧ Produire de l’énergie, via la synthèse de l’ATP.
Une partie des acides aminés que nous mangeons, qui constituent les protéines présentes dans les aliments, est utilisée pour produire de l’énergie. Entre 2 et 6% de notre énergie est fournit grâce au métabolisme des protéines.
Lorsque nous ne consommons pas suffisamment de protéines dans notre alimentation, l’organisme utilise les protéines musculaires pour fournir cette énergie.
Quel est l’apport minimum de protéines par jour nécessaire ?
Selon l’Anses(*), on considère que la référence nutritionnelle en protéines des adultes en bonne santé est de 0,83 gr de protéines par kg de la personne et par jour. À titre d’exemple, si vous faites 50 kg, il vous faudra 50 kg x 0,83 = 41,5 gr de protéines par jour.
Étant donné que le maximum est de 2,2 gr de protéines par kg de la personne par jour, on peut se simplifier la vie et retenir que pour un adulte moyen ayant une activité physique modérée, la valeur sera de 1gr de protéines par kilos, donc pour 50 kg il vous faudra 50 gr de protéines par jour.
Pour les sportifs de haut niveau et les femmes enceintes on pourra augmenter ce taux à 1,5 gr de protéines/kg/par jour, mais je ne peux que recommander de consulter un professionnel pour ces cas particuliers.
Maintenant que nous savons exactement quelle quantité de protéines nous avons besoin, comment savoir si notre alimentation en contient suffisamment ?
C’est souvent là qu’il y a beaucoup de confusion. Dans un premier temps, on confond apport en protéines et consommation d’aliments protéinés. Vous faites 60 kg, vous avez besoin de 60 gr de protéines par jour. Mais ce n’est pas parce que vous manger 60 gr de viande, d’ortie ou de lentille que votre apport sera suffisant. Je reste surprise du nombre de publications sur les réseaux faisant ce genre de raccourcis. Il faut également prendre en compte le poids frais ou le poids sec. Si vous lisez ” 100 gr de lentilles contiennent 10 gr de protéines”, parlons-nous ici de 100 gr de lentilles cuites ou sèches ? Car si vous devez ensuite consommer 100 gr de lentilles de sèches, une fois cuites, cela fait beaucoup en volume et vous risquez quelques désagréments digestifs… Il en va de même pour l’ortie, consommez 100 gr d’ortie fraiches ou sèches ne donnera pas le même volume dans l’assiette. Il est donc vraiment primordial de connaître la valeur exacte selon si l’aliment est cuit ou non, s’il est frais ou non, pour confectionner vos recettes et menus.
À titre d’exemple, voici la teneur en protéines de quelques aliments. Il est bien sûr difficile de donner des chiffres exactes, nous parlons ici de moyenne générale.
✧ viande : entre 20 et 25 % de protéines (un steak de 100 gr = entre 20 et 25gr de protéines)
✧ 2 oeufs : 13 gr
✧ 100 gr de quinoa cuit : 5 gr
✧ 100 gr de lentilles cuites (je n’ai pas trouvé de différences notables entre lentilles corails, lentilles vertes, etc. C’est de toute façon indiqué sur l’étiquette, mais attention le poids indiqué est souvent pour lentilles sèches) : environ 10 à 10,8 gr
✧ 100 gr de pois chiches cuits : 8 à 9 gr
✧ 100g de flageolets cuits : 4 gr
De manière générale pour les légumineuses, vous pouvez regarder la teneur en protéines sur l’étiquette. Comme il s’agit souvent d’une valeur pour 100 gr sec, vous pouvez en général diviser par 3 pour avoir une idée de la teneur en protéines pour 100 gr cuites.
✧ Et pour en venir à notre ortie, 100 gr d’ortie FRAICHES contient environ 6 à 8 gr de protéines. Sachant la quantité de protéines qu’il faut que pour un adulte d’environ 55-60 kg, il nous faudrait consommer au minimum plus de 500 à 800 gr d’ortie par jour. C’est énorme et cela deviendrait vite indigeste. Bien sûr, d’autres aliments, comme les céréales, et même le chocolat contiennent des protéines. 100 gr de riz complets cuits contient 2 gr de protéines, 20 gr d’amandes contiennent 4 gr de protéines, 2 carrés de chocolat noir à 70% contiennent… 2 gr de protéines.
Donc, peut-on remplacer la viande par l’ortie ?
Et bien je dirai, oui et non. Ne manger plus que de l’ortie deviendrait vite compliqué d’une part concernant la ressource pour nourrir plus de 7 milliards d’individus, d’autres par il sera de toute façon difficile de consommer régulièrement des quantités suffisantes pour s’assurer d’un apport suffisant de protéines. Mais intégrer régulièrement de l’ortie via différentes recettes, en s’assurant d’autres apports de protéines via d’autres aliments (et végétaux si l’on est végétarien) est tout à fait possible.
L’ortie est également une source importante de fer, de calcium, de magnésium, de silice, et d’autres nutriments importants. C’est une plante facile à trouver et a cueillir, et elle se cuisine comme des épinards. En l’association à des aliments riches en vitamines C, comme le persil, l’ail des ours, un peu de citron, etc., vous augmentez l’absorption du fer.
Pour vous aider, voici quelques recettes simples et plus moins rapides à réaliser, vous en trouverez des centaines sur internet. Je me concentre ici sur un usage alimentaire de l’ortie, et son apport en protéines et en minéraux, car la consommer comme des épinards est vraiment la meilleure forme pour en profiter au maximum. Pour ses autres propriétés, d’autres formes sous peut-être meilleure, comme l’alcoolature pour sa propriété antihistaminique.
Pesto ortie et ail des ours
Mélangez quelques poignées d’ortie et ail des ours à parts égales, un peu d’huile (j’utilise de l’huile de l’olive et un mélange d’huiles riches en omégas 3), une pincée de sel, un peu de poudre d’amandes, mixez le tout, puis dégustez !
S’il n’y a pas d’ail des ours près de chez vous, vous pouvez le remplacer par quelques gousses d’ail suivant vos goûts, vous obtiendrez également une association intéressante d’un point de vue médicinal puisque l’ail contient également beaucoup de vitamine C, ainsi que des composés soufrés.
Pour éviter tout risque de botulisme, tout pesto se conserve maximum une semaine au frigo.
Les bienfaits d’associer ortie et ail des ours
Nous avons que l’ortie est une source importante de protéines, mais elle contient également une quantité non négligeable de fer.
✽ Quel est le rôle du fer dans le corps ?
Le fer intervient dans la synthèse de l’hémoglobine, qui assure le transport de l’oxygène et du dioxyde de carbone, ces deux gaz étant impliqués dans la respiration cellulaire, et donc dans le fonctionnement de nos cellules et de notre corps tout entier.
Il existe deux types de fer : le fer héminique (d’origine animal), et le fer non héminique (d’origine végétale). Le fer héminique est beaucoup plus facilement absorbé par l’organisme, et sa disponibilité est supérieur à au fer d’origine végétale.
Cependant, la vitamine C a un rôle essentiel dans l’absorption du fer, pouvant multiplier par 10 l’absorption du fer non héminique, donc d’origine végétale.
✽ Comment la Vitamine C améliore-t-elle l’absorption du fer ?
Le fer issu des végétaux se présente sous forme dite « Fe3 + » , c’est-à-dire un atome de fer qui aura 3 électrons en moins, et présentera donc une charge positive.
Pourquoi positive ?
Parce qu’à la base, la quantité d’électrons (dont la charge est négative) est toujours égale à la quantité de protons (dont la charge est positive), ce qui de manière général équilibre la charge électromagnétique d’un atome. Si l’on enlève trois électrons à notre atome de fer, il y aura donc plus de protons que d’électrons, et la charge de l’atome va « basculer » et ainsi devenir positive.
Toujours là ?
On continue…
Pour être mieux absorbé au sein de nos cellules, et ce via un transporteur spécifique ( appelé DMT1), le fer sous forme Fe3+ a besoin d’être transformé en Fe2+. C’est précisément ici que le rôle de la vitamine C intervient car elle va donner un électron à notre Fe3+, qui ainsi, en gagnant un électron, se convertira en Fe2+. Une fois sous cette forme, ce fer sera beaucoup mieux absorbé via nos entérocytes (les cellules de l’intestin) pour ensuite continuer son métabolisme et être convertit notamment en ferritine.
Donc vous l’aurez compris, intégrer dans nos recettes des aliments riches en vitamine C, surtout si l’on est végétarien, peut être une habitude vraiment vertueuse (sauf si l’on souffre d’un excès de fer pour diverses raisons).
L’ortie contient déjà une quantité importante de Vitamine C, mais l’associer à l’ail des ours augmentera encore l’apport de cette vitamine si importante pour une meilleure assimilation du fer d’origine végétale.
Un autre aspect très intéressant, l’ail des ours est une plante « détoxifiante » ayant une action au niveau du foie, favorisant ainsi le travail des hépatocytes (cellules du foie) chargées de neutraliser les toxines. Le sang est donc mieux filtré, les toxines évacuées, et les cellules de notre corps seront mieux nourries. Et si vous n’avez pas d’ail des ours, vous pouvez utilisez tous simplement de l’ail, qui a des propriétés similaires et tout aussi intéressantes !
L’ortie, quand à elle, est considérée comme notre « hémoglobine sauvage », sa haute teneur en protéines, en fer et en nutriments contribue à nourrir le sang et l’organisme en profondeur. L’ortie est considérée en médecine chinoise comme une grande plante tonique de la Rate, organe important dans la formation du sang, qui va extraire le « Qi » des aliments, pour l’associer au « Qi » des Poumons et former le sang. Un vide de Qi de Rate est par exemple associée à des hémorragies.
Du point de vue de notre médecine occidentale, le foie et le rate sont également deux organes importants dans la formation et la préservation du sang, et ces deux plantes que son l’ortie et l’ail des ours sont vraiment intéressantes à associer en ce début de printemps pour rebâtir et fortifier l’organisme.
Energy balls à l’ortie
✧ INGRÉDIENTS ✧
✽ Environ une demi tasse de dattes
✽ Environ 2/3 de tasses d’amandes (préalablement trempées durant quelques heures)
✽ 3 cuillères à soupe d’infusion d’ortie (vous pouvez bien évidemment boire le reste)
✽ 2 cuillères à soupe de graines d’ortie
✽ 1 cuillère à soupe de poudre d’ortie (optionnel)
✽ VARIANTE : vous pouvez aussi diminuer la quantité de poudre d’ortie et ajouter de la poudre de cacao, un délice !!
Il vous faudra également une petite quantité de graines d’ortie broyées ou passées au pilon que vous garderez pour la dernière étape. Je ne suis pas très précise sur les quantités car je les confectionne vraiment au feeling. En général j’ajoute un peu plus d’amande que de dattes, pour éviter que cela soit trop collant. Vous pouvez ajouter éventuellement des flocons d’avoine si vous souhaitez rendre vos energy balls un peu moins collantes et améliorer leur tenue.
✧ RECETTE ✧
Mixez les amandes le plus finement possible, ajoutez ensuite les dattes dans votre mixer, puis l’infusion, la poudre et les graines d’ortie, et mixer le tout.
Réalisez ensuite de petites boules avec votre pâte mixée, puis roulez-les ensuite dans vos graines d’ortie préalablement étalées sur une assiette.
Vous pouvez les dégustez ainsi, ou les placez au frigo quelques heures.
Sablés gourmands à l’ortie
✧ INGRÉDIENTS ✧
✧ 265 g de farine T 65
✧ 5 gr de poudre d’ortie (optionnel)
✧ 10 gr de graines d’ortie
✧ 80gr de sucre de canne blond
✧ 150g de beurre
✧ 4 jaunes d’oeufs
✧ quelques jeunes feuilles d’orties
✧ RECETTE ✧
Mélangez la farine, le sucre, la poudre d’ortie, les graines d’ortie et le beurre préalablement ramollit, puis ajoutez-y les jaunes d’œufs. Mélangez bien le tout pour former une boule bien lisse, et laissez-la reposer 1h au frigo.
Étalez ensuite votre pâte sur un papier de cuisson en ayant déposé un peu de farine à la surface. Vous pouvez vous aider d’un rouleau à pâtisserie pour avoir une pâte d’environ 7-8 mm d’épaisseur.
Dessinez délicatement des ronds à l’aide d’un emporte-pièce ou tout simplement à l’aide d’un verre, puis décorez-les de vos feuilles d’ortie.
Étalez ensuite un autre papier de cuisson par dessus, puis passez délicatement au rouleau à pâtisserie afin que les feuilles puissent adhérer correctement à la pâte. Votre pâte va s’abaisser un peu et il vous faudra redessiner à nouveaux vos cercles autour de vos motifs floraux, cette fois en les séparant bien du reste de la pâte pour former vos sablés.
Avec le reste de pâte restant, vous pouvez former de nouveaux sablés.
Déposez le tout sur une plaque beurrée et farinée, puis mettre au four. Pour ma part je les ai cuit durant 15-20 minutes à 120°.
Laissez-les ensuite bien refroidir pour qu’ils puissent se durcir.
J’apprécie de les conserver dans un joli bocal en verre transparent (style bonbonnière) juste pour le plaisir de ces sablés colorés.
A la différence des autres sablés poétiques aux fleurs dont je vous ai partagé quelques recettes sur ma page, ceux-ci ont vraiment un goût particulier, on sent bien le goût de l’ortie. Vous pouvez bien sûr ajouter plus ou moins de poudre et de graines à votre convenance.
Quelques astuces pour bien réussir vos motifs floraux :
✧ On veillera à une température assez douce, et à bien surveiller la cuisson. Dès qu’ils commencent à dorer, c’est le moment d’arrêter. Ceci permettra de préserver une jolie couleur.
✧ J’utilise en général une farine complète pour mes pâtisseries, mais pour faire ressortir les couleurs des fleurs, mieux vaut utiliser une farine T 65.
✧ Il faut que les pétales, etc. soient bien imprégnés dans la pâte, pour cela il est important de bien repasser sur les motifs avec le rouleau à pâtisserie et le papier de cuisson.