L’usage du miel en herboristerie et gemmotherapie
En herboristerie et en gemmothérapie, nous utilisons souvent différents solvants pour extraire et conserver les principes actifs de nos plantes. Parmi ces solvants on retrouve majoritairement l’eau, l’éthanol pour la réalisation de teinture ou alcoolature, l’acide acétique (le vinaigre), l’huile, la glycérine, et le miel !
À la différence des autres solvants, le miel est en réalité plutôt un « système de solvants », soit plus exactement uns solution d’eau sursaturée en sucre, composée également de minéraux, de protéines, d’enzymes, et d’autres constituants, notamment en fonction des plantes dont il est issu.
Sa texture visqueuse n’en fait pas un solvant idéal pour extraire les principes actifs de nos plantes, mais son usage n’est pas totalement inintéressant non plus, surtout si l’on utilise des plantes anti-bactériennes et cicatrisantes qui viendront compléter son action.
Par ailleurs le miel, à l’instar de la glycérine, a cette merveilleuse capacité de « capturer » le parfum des plantes, même des fleurs dites « muettes » comme le lilas, le mimosa ou encore la violette.
Tout comme la glycérine, le miel est plutôt visqueux et épais. Il est d’ailleurs souvent utilisé pour remplacer la glycérine végétale notamment dans les préparations de gemmothérapie (macérats de bourgeons). Sa composition est différente, le miel est une solution aqueuse sursaturée en sucre, tandis que la glycérine végétale un produit industriel obtenu à partir de triglycérides (graisse). Ces molécules sont composées de trois acides gras liés à une molécule de glycérol, et lorsque l’on retire les acides gras il nous reste du glycérol, qui composera donc notre glycérine.
Je ne trancherais par contre pas la question de savoir s’il est préférable d’utiliser du miel ou de la glycérine pour la réalisation de macérats de bourgeons. Il n’y a pas assez de recherches actuelles pour permettre d’avoir un avis fiable. La glycérine sera plus « neutre » que le miel dans le sens ou elle n’apportera pas d’enzymes, de minéraux, etc. La glycérine est également plus asséchante (voir irritante consommée pure), ce qui peut-être un avantage ou un inconvénient. Lorsqu’elle est diluée dans de l’eau, elle devient hydratante au niveau de la peau et des muqueuses. Elle n’aura par contre pas d’effet antiseptique comme le miel. Le miel par contre une fois macéré avec des plantes fraîches fermentera plus facilement et sera plus propice aux développements de bactéries.
GLYCERINE VEGETALE | MIEL | |
---|---|---|
Densité | dense et épais, extraction plus difficile | dense et épais, extraction plus difficile |
Apport nutritif | aucun | riche en enzyme, vitamine, nutriments, ... |
Goût | sucré, sans saveur particulière, irritant | sucré, doux, saveurs variables suivant la provenance |
Stabilité | stable | risque de fermentation important |
Procédé de fabrication | Issu de phospholipide (processus de saponification) | Procédé de « fabrication » naturel ( par les abeilles) |
Prix | tarif accessible | très dispendieux |
Le miel en tant que solvant d’extraction
Le miel a une capacité d’extraction relativement similaire à la glycérine. Les constituants solubles dans la glycérine le sont en général également dans le miel. Ce sont principalement des phytoconstituants présentant une certaine polarité élevée, et donc soluble dans l’eau (l’eau étant le solvant le plus polaire).
Un avantage du miel (et de la glycérine) par rapport à l’eau est d’avoir une affinité particulière pour capter les composés volatils de nos plantes, les huiles essentielles, dû à leur viscosité. Ce ne sera pas une extraction aussi forte que dans de l’alcool par exemple, mais vous remarquerez souvent un parfum prononcé dans vos préparations à base de miel ou de glycérine.
Le miel et la glycérine n’étant pas 100 % polaires, il sera également possible d’extraire certains phytoconsituants de polarité inférieure, comme certaines résines.
Comme la glycérine, le miel est hygroscopique (qui attire l’eau) même si la glycérine sera un peu plus forte que le miel. Pour ces deux solvants il est donc préférable d’utiliser des plantes fraîches car cette force hygroscopique va permettre de briser plus facilement les parois cellulaires des molécules de nos plantes et favoriser leur extraction. L’utilisation de plante fraîche présentera par contre un risque de fermentation et/ou de voir apparaitre des moisissures, surtout si l’on utilise le miel cru.
Le miel est également un peu plus acide que la glycérine (son ph tourne autour de 3-4, et l’on sait que le ph influence également l’extractions de certains constituants).
Le miel a une polarité intéressante et assez proche de l’eau, ce qui lui permet d’extraire de nombreuses molécules polaires de nos plantes. Par contre il est très visqueux, ce qui rend cette extraction difficile. Pour palier à ce problème, on pourra chauffer notre miel (oui je sais, le miel perd certaines de ses propriétés à plus de 37°, j’en parle plus loin). En augmentant la température, nous allons d’une part le rendre plus fluide et donc faciliter le contact avec les principes actifs de nos plantes, mais également favoriser les mouvements moléculaires entre le miel et les plantes, car celles-ci vont se déplacer plus rapidement et plus énergiquement. C’est l’une des raison pour laquelle il est important de toujours mélanger régulièrement tout type de préparation à base de plantes.
Tempérament énergétique du miel
Le miel est ce qu’on appelle un « correcteur de saveurs », et peut modifier la qualité énergétique d’une plante.
L’alcool par exemple est plutôt asséchant et modifiera l’énergétique (le tempérament) d’une plante en lui donnant une qualité plus asséchante. Une alcoolature de racine de guimauve, qui est à la base une plante humidifiante, sera plus asséchante sur les muqueuses, et les propriétés de notre remède final différera des propriétés initiales de notre plante.
Selon certaines approches sur la notion de « tempérament », le miel est humidifiant, parfois légèrement réchauffant ou parfois légèrement rafraîchissant suivant la façon dont il est utilisé, harmonisant et nourrissant. Il peut à la fois apaiser des muqueuses irritées par son aspect humidifiant tout comme il peut apaiser des saveurs très piquantes et épicées. Il traite d’ailleurs les brûlures un usage externe.
Composition du miel
Je vais vous parler ici du miel brut, c’est-à-dire non transformé et non pasteurisé, car dans notre pratique de santé holistique, c’est celui que nous privilégions par sa teneur en enzymes et divers nutriments.
Le miel est composé d’environ 17 % d’eau. Le reste est principalement constitué de sucres et environ 5 à 10 % du miel sont constitués d’enzymes, de minéraux, etc.
Les principaux sucres du miel sont le fructose et le glucose, mais il aura cependant un index glycémique plus bas et un effet plus modéré sur la glycémie par rapport au sucre cristallisé.
Le glucose et le fructose sont des monosaccharides (sucres simples). Le miel contient également des oligosaccharides, qui sont des glucides complexes et qui agiront comme prébiotiques pour nourrir notre microbiote intestinal.
Certains miels, en général plus foncés, contiennent des niveaux plus élevés de polyphénols (antioxydants) issus du nectar et du pollen des fleurs que les abeilles récoltent.
On entend souvent que le miel contient des enzymes sensibles à la chaleur, et qu’il ne faut dès lors pas le chauffer, ou encore qu’il perd son utilité lorsqu’il est ajouté dans une infusion.
Pour approfondir cette question, il nous faut comprendre ce que sont les enzymes. Pour faire simple, une enzyme est une protéine qui va permettre différentes réactions chimiques nécessaires à différentes réactions métaboliques, notamment lors du processus de digestion afin de pouvoir assimiler différents nutriments issus de notre alimentation. Le suffixe « ase » indique souvent une enzyme.
Grâce aux abeilles, nous retrouvons ainsi différentes enzymes dans le miel qu’elles produisent, comme par exemple la sucrase, qui va permettre au saccharose de se transformer en molécule de glucose et de fructose. On retrouve aussi d’autres enzymes comme la glucose oxydase et la catalase.
La glucose oxydase agit comme agent naturel de préservation en libérant du peroxyde d’hydrogène, qui est un puissant antiseptique et antimicrobien topique (topique = qui agit localement).
Lorsque l’on chauffe le miel, on dénature ces enzymes car elles vont perdre leur structure et leur fonction. Il est donc intéressant de se poser cette question : est-ce que l’effet anti-bactérien du miel nous intéresse dans notre remède, ou le choisit on pour d’autres raison, comme par exemple son effet apaisant/rafraichissant (en cas de gorge irritée par exemple) ou simplement comme solvant dont la haute teneur en sucre va optimiser la conservation d’un remède ? Dans la mesure où nous n’aurions pas d’autre choix que de chauffer le miel et que l’on souhaite un effet antibactérien, il est malgré tout possible d’y ajouter des plantes antibactériennes pour compenser cette perte. L’ajout de vinaigre de cidre de pomme par exemple, étant également antiseptique permet également cette compensation, d’où l’usage traditionnel des oxymels de plantes médicinales. Si toute fois nous souhaitons préserver les qualités antibactériennes du miel, ou veillera à ne pas le chauffer au-delà de 37°.
Si cette propriété nous intéresse moins, nous n’aurons alors pas à nous soucier de chauffer notre miel et de perdre ses enzymes. Le miel n’en reste pas moins intéressant pour toutes ses autres propriétés ainsi que sa teneur en différents constituants tout aussi intéressants, et chauffer (doucement) un miel à une certaine température va permettre d’optimiser considérablement l’extraction des principes actifs responsables de nos propriétés médicinales de nos plantes.
Réalisation d’un miel à base de plantes
Réaliser un miel infusé aux plantes est un réel jeu d’enfants, et chacun trouvera sa propre méthode et ses propres astuces.
Avant tout, choisissez les plantes que vous voulez faire macérer.
Faut-il hacher nos plantes ou non ? Cette action permettra une plus grande surface de contact entre les plantes et le miel et donc une meilleure extraction, mais votre miel sera par contre beaucoup plus difficile à filtrer. À vous de choisir !
Déposez ensuite vos plantes dans un récipient, puis recouvrer de miel. Plus votre miel sera liquide, plus vos plantes se mélangeront facilement. En herboristerie, il est commun d’utiliser du miel d’acacia, car il est déjà très liquide. Néanmoins si vous comptez chauffer votre miel, celui-ci va de toute façon se liquéfier, qu’il soit liquide ou solide à température ambiante. L’important est qu’il soit biologique, non pasteurisé, et le plus local possible.
À vous de choisir ensuite si vous souhaitez chauffer votre préparation au regard de toutes les informations partagées ci-dessus. Pour préserver les propriétés antibactériennes, vous pouvez chauffer jusqu’à un maximum de 37°. Si cette propriété est moins importante pour vous, vous pouvez augmenter encore un peu la température jusqu’au point ou le miel va devenir très liquide, pendant environ une vingtaine de minutes. Vous pouvez ensuite choisir de laisser macérer encore 3 à 4 semaines votre miel, ou de le filtrer. L’avantage de chauffer votre préparation est également de permettre une meilleure évaporation de l’humidité contenue dans vos plantes et de diminuer les risques de fermentation et de moisissures.
Si vous ne faites pas chauffer votre miel, il est préférable de le laisser macérer au moins 2,3 semaines de plus.
Dans tous les cas, pensez à mélanger régulièrement votre préparation.
Vos miels infusés peuvent se consommer pour le plaisir gustatif, comme remèdes médicinales, être intégrés dans vos recettes de cuisine ou dans vos préparations à base de vinaigre (pour réaliser un oxymel) ou d’alcool (comme pour les macérats de gemmothérapie ou la réalisation de liqueur).
Pour ce qui est de l’utilisation du miel dans une infusion, la réflexion est la même : si vous souhaitez préserver les propriétés antiseptiques et antibactériennes du miel, attendez que votre infusion refroidisse un peu.
Vous trouverez sur mon site et mes réseaux sociaux quelques idées de recettes de miel médicinaux (rose, gingembre, sauge, antibactérien, tussilage, sureau, etc.).
Pour terminer, je considère personnellement le miel comme un produit de luxe, qu’il est sage de consommer consciencieusement et avec parcimonie. Une cuillère de miel représente le travail de toute une vie d’une abeille, et l’on sait aujourd’hui qu’elles sont considérablement en voie d’extinction, en particulier les abeilles sauvages. Je vous invite de tout cœur à vous tourner vers des producteurs locaux et respectueux.
En espérant que cet article puisse vous apporter quelques éclaircissements sur l’utilisation du miel en herboristerie.
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Jessica
Herboriste et poétesse
www.jardinalchimique.com