Renforcer ou stimuler son immunité ?
Avec les journées qui raccourcissent et se refroidissent, les mots comme « immunité » et « défenses immunitaires » refont leur apparition dans nos paniers de cueillettes, et je ne peux m’empêcher de vouloir apporter une précision sur la façon de prendre soin de notre immunité.
Dans toutes les informations que l’on peut lire, il est souvent mentionné de « renforcer » ses défenses immunitaires avec des plantes stimulantes, comme le thym, l’origan, le cynorhodon, les plantes « réchauffantes » comme l’ail, le gingembre, l’oignon, etc. (notamment via le très connu « cidre de feu »).
Pourtant l’action de ces plantes est avant tout STIMULANTE, elles vont donc mettre en branle l’organisme, activer les « réserves » immunitaires (comme différents globules blancs), pour leur demander de combattre un potentiel pathogène, car ce sont souvent des plantes antibactériennes, antivirales et anti-infectieuses. Il est vrai que durant la période d’hiver, certains virus circulent plus facilement qu’en été, et il n’est pas incorrecte de se prémunir. Mais demander à ses défenses immunitaires d’agir n’a pas vraiment de sens si l’on est pas malade.
Pour « renforcer son immunité », le choix de plantes TONIQUES IMMUNITAIRES est plus approprié puisque l’on va plutôt chercher à renflouer les réserves de l’organisme et à le fortifier, afin que le jour ou l’on tomberait malade, le corps ait les réserves suffisantes pour se défendre. On cherchera ici des plantes reminéralisantes, comme l’ortie, car les défenses immunitaires sont très gourmandes en nutriments pour fonctionner de façon optimale. Un apport suffisant en protéines et « bonnes graisses » (omega 3, omega 9 en suffisance) est également essentiel au bon fonctionnement de nos cellules.
On cherchera également des plantes adaptogènes, comme l’astragale de Chine, qui aura une action sur la production de différents lymphocytes.
Il est cependant aujourd’hui peut-être difficile de trouver des plantes de qualité, les plantes de la médecine chinoise faisant rarement l’objet d’un contrôle de qualité et de traçabilité efficace. Les mettre en culture dans nos régions ne nous garantit pas non plus qu’elles auront la même efficacité étant donné qu’il s’agit de plantes qui poussent à l’origine à l’état sauvage, dans un biotope particulier. Néanmoins je vous partage quand même ce concept « d’adaptogène » qui est de plus en plus à la mode, mais j’y reviendrai prochainement, notamment sur la croyance qu’une plante magique peut nous sauver de tout notre stress quotidien sans changer aucune de nos habitudes et la manière dont l’industrie des compléments alimentaire surfe sur cette mode, au détriment de la préservation de l’environnement, des espèces en voie des disparitions, et de la santé de leur client…
On cherchera à tonifier la forme, c’est à dire l’organe en lui même, plutôt que de stimuler la fonction, c’est à dire l’action de l’organe. Le système immunitaire n’étant pas un organe en particulier, on cherchera donc plutôt à renforcer l’organisme de manière générale plutôt qu’à le stimuler. Renforcer l’organisme peut se faire via des plantes reminéralisantes, des plantes adaptogènes, des plantes toniques immunitaires, un sommeil réparateur et une bonne gestion du stress, et bien sûr un rééquilibrage alimentaire.
En médecine chinoise, parle également de l’énergie du Rein. Je ne suis pas toujours très à l’aise d’emprunter des notions de médecine chinoise à gauche à droite sans en maîtriser les fondements et tenter de les faire coller à notre conception occidentale, néanmoins cette notion d’énergie vital au niveau du Rein apparaît dans de nombreuses cultures y compris la notre. J’y reviendrai dans un post détaillé prochainement.
En médecine chinoise, on ne parle pas « des reins » mais de l’organe « du Rein », avec un R majuscule. Il s’agit ici d’un concept spécifique propre à la médecine chinoise autour de l’énergie de 5 organes « maître » ; à savoir le Coeur, la Rate, le Poumon, le Rein et le Foie. Chaque organe est intrinsèquement relié à l’autre, par des cycles d’engendrement et de contrôle. C’est un système de pensée très complexe, raison pour laquelle je n’aime pas prendre un concept isolé sur un organe en particulier, car dans ce système il faut également tenir compte de ce qu’il se passe autour. Concernant l’organe du Rein, celui-ci est engendré par le Poumon (métal, tristesse, début de l’hiver, peau), et engendre lui-même le Foie ( printemps, naissance, colère, tendons, muscles). Le Rein est contrôlé par la Rate (terre, automne, mélancolie, ressassement), et contrôle lui même le Coeur (feu, été, adolescence, joie).
Le Rein, lui, est relié à l’eau, à la peur, aux os et au système nerveux, et à la fin de l’hiver. Ainsi l’on considère que cette énergie est plus sensible durant la saison froide. En médecine chinoise, on préconise des plantes adaptogènes, selon des nuances complexes de « tonique du Qi du Rein », « tonique du Yang du Rein ».
Je pense que je n’ai pas besoin d’aller plus loin pour que vous compreniez la complexité de ces notions, qui à mon sens sont difficiles à utiliser sans les étudier en profondeur si l’on souhaite faire des ponts avec l’herboristerie.
On pourra néanmoins retenir que certaines plantes comme l’ashwagandha (Withania somnifera) ou encore le basilic sacré (Ocimum sanctum), originaire de l’Inde, peuvent être intéressantes pour soutenir l’énergie du Rein, et donc l’énergie vitale. On sait aujourd’hui que l’ashwagandha aurait une action sur les surrénales et aiderait à réguler la réponse du corps au stress. L’ashwagandha est également une plante relativement abondante en Asie, et facile à cultiver sous nos latitudes, et le basilic sacré est très prolifique s’il reçoit beaucoup de chaleur.
On pourra également se masser régulièrement la zone des reins avec une huile réchauffante comme le sésame, et pourquoi pas un macérât huileux de gingembre. En hiver il est également recommandé de bien se couvrir cette partie du coeur, avec une ceinture spécifique, ou simplement un foulard épais ou une écharpe.
Pour ce qui est de l’échinacée, cette plante n’est pas non plus vraiment utile en préventif, ni même lorsque l’infection est bien installée. Cette plante va stimuler le système immunitaire en ramenant du mouvement dans la lymphe et en activant certains macrophages. Elle sera intéressante soit lorsque des personnes autour de nous (comme la famille ou nos collègues de travail) sont contagieuses et qu’il y a un risque de tomber malade, soit au tout début d’une infection, lors des premiers symptômes. Si les symptômes sont installés, on ira plutôt chercher des plantes stimulantes pour activer nos cellules immunitaires comme les lymphocytes, à condition d’avoir un système immunitaire optimal.
Des plantes comme le thym, le romarin, l’hysope, etc. sont avant tout des plantes stimulantes, notamment par leurs activités antibactérienne et anti-infectieuse. Elles sont efficace lorsqu’il y a une infection bactérienne, que cela soit au niveau des voies respiratoires (notamment avec mucus abondant et jaunâtre) qu’au niveau digestif, ou encore cutanée.
Les plantes réchauffantes comme le gingembre, la cayenne ou la cannelle ont plutôt une action sur le métabolisme de manière générale. Il suffit d’en prendre une infusion pour ressentir qu’elles apportent de la chaleur, avec parfois le besoin d’enlever une couche de vêtement. Elles sont en général également anti-bactériennes. Leur action est plutôt une action stimulante, bien qu’apporter un peu de chaleur à son organisme pourrait éventuellement être considéré comme tonifiant et soutenant de l’énergie vitale, puisque le corps à moins besoin de puiser dans ses réserves pour produire de la chaleur.
Par ailleurs, certains herboristes considèrent ces plantes comme « conductrices », car leur action stimulante au niveau de la circulation sanguine permettrait un meilleur acheminement des nutriments et phytoconstituants de nos plantes dans tout l’organisme. Donc que ça soit pour tonifier, renforcer et nourrir nos cellules, ou pour activer nos défenses et leur signaler un pathogène, cette action sera utile dans les deux cas. Personnellement je ne suis pas totalement convaincue de ce concept, d’autant qu’il n’existe rien dans la littérature scientifique sur le sujet. Cela fait sens lors d’une application externe car l’effet rubéfiant (qui imite en quelque sorte une inflammation, d’où l’apparition d’une rougeur) de ces plantes au niveau de la peau va amener une concentration de sang et de cellules, donc plus d’oxygénation et de réparation cellulaire. Mais en usage interne, je ne vois pas comment cela est possible d’un point de vue biologique et physiologique.
En pratique
Pour mettre en pratique tout cela, voici un exemple de marche à suivre, en gardant en tête que chaque personne est différente et qu’il faut adapter les plantes au cas par cas, en vérifiant toutes les contre-indications et interactions avec des médicaments si vous en prenez.
✽ TONIFIER/RENFORCER : Au début de l’hiver par exemple, on peut doucement commencer à fortifier son organisme avec un mélange d’astragale, d’ortie, et un peu de gingembre ou de cannelle, sous forme d’infusion. On peut également consommer des bouillons en y intégrant ces plantes ou encore des champignons comme le shiitaké ou le maitaké.
✽ STIMULER LES DÉFENSES : Lorsque l’on tombe malade, au début des symptômes, on pourra prendre de l’échinacée en alcoolature (teinture). On pourra également ajouter des plantes stimulantes immunitaires en fonction de la problématique à traiter. Le thym, l’origan, la sarriette vont traiter les problèmes d’infections pulmonaires. La Scutellaire baikal est une puissante antiviral. Les baies de sureau sont efficaces contre le virus de l’influenza. Ces plantes sont plutôt à prendre sur du cours terme, environ 7 à 10 jours maximum.
On pourra prendre également d’autres plantes stimulantes lymphatiques comme le gaillet, la scrofulaire ou la calendula (qui reste malgré tout un peu faible) avant et après l’infection, surtout s’il y a des ganglions enflés. Le système lymphatique est étroitement lié au système immunitaire puisque c’est par là que vont circuler un grand nombre de cellules immunitaires et c’est aussi via la lymphe que vont être éliminés les déchets métaboliques.
✽ RENFLOUER ET TONIFIER À NOUVEAU L’IMMUNITÉ : Une fois l’infection passée, on reprendra des plantes toniques immunitaires pour renflouer à nouveau les réserves de l’organisme, et éviter une rechute. C’est normalement la période de convalescence.
Il y aurait bien sûr encore beaucoup à dire, notamment sur la pertinence ou pas de prendre de la vitamine C, du Zinc, etc., mais ce serait trop long à développer ici, et la micronutrition demande avant tout un suivi personnalisé avec des analyses précises.
En espérant que ces quelques clarifications puissent vous permettre de comprendre comment travailler efficacement avec la médecine des plantes pour profiter pleinement de leur potentiel,
Jess
Herboriste et Poétesse